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Un spécialiste, Portrait d'un criminel moderne (Charlie Hebdo)

07.04.1999

C’est au nom du présent qu’Eyal Sivan s’intéresse au procès Eichmann, criminel nazi capturé par les Israéliens et jugé en 1961 à Jérusalem. Monté à partir des 350 heures d’archives vidéos du procès, qui fut filmé intégralement, Un spécialiste... illustre la thèse défendue par Hannah Arendt dans son Rapport sur la banalité du mal, face à des juges et des procureurs israéliens qui voient en lui un démon assoiffé de sang, Eichmann apparaît comme un fonctionnaire efficace, respectueux des ordres et soucieux de travail bien fait. Que ce travail (il fut l’organisateur de la déportation vers les camps d’extermination dans le cadre de la "solution finale") aboutît à la mise à mort de milliers d’êtres humains, cela pouvait ne pas lui plaire, voire franchement lui déplaire, ainsi qu’il l’affirme au cours du procès, peu importait : les ordres avant tout. Rythmant les interventions méticuleuses d’Eichmann par les dépositions de membres des Conseils juifs mis en place par les nazis, qui collaborèrent activement à la déportation de leurs propres communautés, sans oublier le déporté juif français rappelant que la police parisienne avait exécuté tout aussi docilement la rafle du Vél d’Hiv, Eyal Sivan esquisse en creux une réflexion magistrale sur le savoir-désobéir comme composante essentielle de notre humanité.