Eyal Sivan filmait le chantier d'un étonnant Luna Park en plein désert israélien, alors que les missiles irakiens menaçaient. Une métaphore sur la société israélienne offerte par Planète avant FR3 le 13 novembre.
En pleine guerre du Golfe, le réalisateur Eyal Sivan ressent le besoin impérieux de partir pour Israël. Pour y tourner un document lié à l'événement. "Je ne voulais surtout pas faire de journalisme, explique-t-il. Mais travailler autour d'un événement ultra journalistique et médiatisé à outrance. J'ai eu la chance d'avoir la confiance de FR3 qui m'a laissé carte blanche" A Rishon, à dix kilomètres de Tel-Aviv en plein désert (entre les batteries des missiles Patriot, une décharge et une station d'épuration !). Eyal Sivan filme un chantier d'apparence banale, celui d'Israland où Israéliens, Palestiniens et Allemands mettent leurs forces en commun. Autour du parc d'attractions, il construit une métaphore sur Israël, enclave occidentale au cœur du Proche-Orient. "Ce pays tout entier n'est qu'un vaste Luna Park à l'américaine. Tant qu'on continuera à vouloir imiter l'Amérique, qu'on ne fera aucun effort pour faire partie du Proche-Orient, pour s'y intégrer totalement, ça sera la catastrophe", précise l'architecte.
Dans Israland (Prix du documentaire d'investigation à la Biennale de Marseille), comme dans ses films précédents, Aqabat Jaber sur les réfugiés palestiniens (Grand prix du jury du Festival du réel) et Iskor, les esclaves de la mémoire sur le nationalisme en Israël (Mention spéciale du jury et prix Procirep au FIPA), Eyal Sivan s'emploie à soulever les sujets qui dérangent. En Israël, les films du cinéaste "dissident", pourtant peu diffusés, sont mal perçus. Sévèrement critiqué, Eyal Sivan, citant le proverbe arabe "on peut réveiller celui qui dort mais pas celui qui fait semblant de dormir", reste persuadé du bien fondé de sa démarche. "En tant que citoyen, je me dois d'intervenir dans la débat sur la situation au Proche-Orient, souligne-t-il. Je m'efforce de renverser les points de vue en essayant d'aller au-delà des problèmes. Quand je parle des réfugiés ou du nationalisme, ça ne concerne pas exclusivement Israël. J'aurais pu filmer le chantier d'Euro Disneyland à Marne La Vallée pendant la guerre et interroger des ouvriers maghrébins." Dans ce sens, Eyal Sivan tournera à partir de décembre un portrait du philosophe Yeshayahou Leibovitz qui débouchera sur le rôle du penseur dans la cité. A partir d'avril 92, il sera pensionnaire de la Villa Médicis à Rome et s'attaquera à un projet sur l'Europe. Quant à Israland, rebaptisé Superland, il a ouvert ses portes au public avec succès. Avec Ie train du sionisme, une attraction qui retrace l'épopée du sionisme depuis la fuite d'Egypte, s'ouvrira une deuxième tranche de travaux. "Reste à savoir quelle sera la dernière étape, s'interroge le réalisateur. Ce train risque de tourner en rond. A moins que la conférence de paix n'aboutisse."