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Frontière de paix ? by Ixchel Delaporte (L'Humanité Hebdo)
22.11.2003
Frontière de paix ? Regards croisés de deux réalisateurs, l’un palestinien, l’autre israélien, sur leur(s) pays
C’est à la fois ambitieux de la part d’Arte et très stimulant pour le genre documentaire. Grand Format n’a jamais aussi bien porté son nom : quatre heures et demie d’une traite pour un voyage au cœur des territoires palestiniens et d’Israël. Ce pourrait être un énième documentaire sur cette région, sur ce conflit. Il n’en est rien. Ce bijou est un long périple à travers Israël et les territoires palestiniens, au gré des rencontres faites au long d’une route fictive, puisque suivant la frontière édictée par la résolution 181 des Nations unies prévoyant la partition de la Palestine en deux Etats, l’un juif, l’autre arabe, Une résolution jamais appliquée.
Voyage en trois étapes : d’abord le sud, de la ville portuaire d’Ashdod, aux frontières de la bande de Gaza ; puis le centre, de la ville judéo-arabe Lod à Jérusalem, et enfin, le nord, de Rosh’A’aiyn jusqu’à la frontière avec le Liban. Pendant deux mois, les réalisateurs, le Palestinien Michel Khleifi et l’Israélien Eyal Sivan, ont sillonné leur pays en suivant cette frontière qui jamais n’exista.
Chacun son chemin à la rencontre de son peuple. Pour entendre ces hommes et ces femmes meurtris et endurcis par des décennies de violences et de tentatives avortées de réconciliation. La parole est laissée à tous ces anonymes qu’on ne cesse de stigmatiser et au nom desquels on fait la guerre : deux promoteurs qui construisent sur un ancien village palestinien, des Palestiniens manifestant pour Ie respect des droits fondamentaux, une usine qui fabrique des barbelés... Bref, les deux hommes sont au cœur de la complexité de leur pays. Le paysage est vide, clôturé, bourré d’interdits et de barrages. Les regards épuisés, haineux, sombres et amers percent la caméra. À contre-courant des idées reçues. les deux cinéastes remontent les territoires, pour prouver que “Palestiniens et Israéliens peuvent faire ensemble autre chose que la guerre”.
Ixchel Delaporte