english
français
contact me

reviews
Voyage en Terre Promise by Sandrine Cohen (Construire, Suisse)

18.11.2003

Deux cinéastes, un Palestinien et un Israélien, parcourent leur pays. Un film également présenté en salles à Genève.

Après sa diffusion sur Arte, ce documentaire-fleuve (quatre heures trente) va être présenté les 28 et 29 novembre au cinéma CAC Voltaire de Genève et le 1er décembre au Musée de la Croix-Rouge. Sans doute parce qu’il faut avoir un espoir. Le dernier en date s’appelle “Le Pacte de Genève”. L’appel a été entendu. Des personnalités de tous bords signent.

Mais comment y croire, à ce miracle, quand on voit ce film de Michel Khleifi, Palestinien, et d’Eyal Sivan, Israélien ? Ce road movie où pas une minute on n’a envie de zapper, est né d’une idée toute simple : parcourir en voiture la frontière théorique adoptée par les Nations unies en 1947 et qui prévoyait un Etat palestinien, un Etat israélien et une zone internationale.

C’était la “Résolution 181”. Nos deux cinéastes ont pris la route au cours de l’été 2002, sans fixer de rendez-vous, sans effectuer de repérages. A l’improviste sur ce qu’ils surnomment “la Route 181”. “Un défi documentaire et une aventure humaine”, disent les deux réalisateurs.

Ils ont roulé et se sont arrêtés, ont filmé, ont discuté au hasard des rencontres. Des Israéliens et des Palestiniens anonymes qui racontent leur vie, leur rapport avec “l’ennemi”. Car il ne faut pas se bercer d’illusions. Dès les premières images, dès les premières haltes au bord de la route, les mots crèvent l’écran. Arabes, Juifs, Palestiniens ou Israéliens, on entend juste la haine des uns pour les autres.

Une haine ancestrale, même si certains rappellent qu’il fut un temps où Arabes et Juifs vivaient ensemble.

Le film part du sud, de la ville portuaire d’Ashdod. Un chantier est en construction. Le contremaître israélien dit que chez lui, “on dit : un bon Arabe, c’est un Arabe mort”. Plus loin, à Masmyie, une maison délabrée, une vieille femme et son fils. Elle raconte qu’avant 1949, elle était grande, leur ville. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’elle sur ce bout de terre qui appartient à ses ancêtres depuis les Ottomans. Mais les Israéliens veulent élargir l’autoroute. Elle doit partir. Elle ne veut pas, et puis aller où ?

Rouler. Une fabrique de barbelés. Après les accords de paix d’Oslo, elle allait déposer le bilan, la faillite. Aujourd’hui, l’entreprise est florissante. Sur les bords de la route, des inscriptions : “La Jordanie pour les Palestiniens” ou “Transfert de population = paix et sécurité”.

Des barrages, l’armée israélienne. Sur la route, des amas de pierres qui indiquent qu’ici, avant, il y avait un village palestinien. A Hulda, près de Jérusalem, un kibboutz construit sur les ruines de l’un d’eux. Des barrages encore. A Abou Dis, le grand mur de béton traverse la ville, les Palestiniens empêchés de circuler librement. Un soldat dit que c’est à cause des attentats. Le réalisateur répond que l’occupation date d’avant les kamikazes.

Ça continue comme ça, de paysages désolés, où même un arbre est un ennemi pour l’armée israélienne, en villes mortes où c’est le couvre-feu. Ça continue comme ça, d’implantations sauvages de colonies pour les Juifs en interdictions de construire pour les Arabes, des mitrailleuses pour les uns et de pierres pour les autres, jusqu’à la bombe humaine. Ça va continuer jusqu’à quand ? Ils appelaient ça “la terre promise”.

Sandrine Cohen