Pendant la guerre du Golfe, Eyal Sivan a filmé les ouvriers israéliens et palestiniens sur le chantier du premier Luna Park du Proche-Orient. Comme une métaphore d’Israël.
“Fais-nous une fleur, dit l’ouvrier palestinien, tout le monde en fait une.” Juifs et Arabes construisent chacun une fleur de métal pour un rêve en béton. Nous sommes en pleine guerre du Golfe, près de Tel-Aviv, sur le chantier du premier Luna Park du Proche-Orient. Des ouvriers palestiniens et israéliens travaillent côte à côte. Ils ne se parlent pas. “J’évite de leur tourner le dos”, dit un conducteur d’engins israélien. La nuit, les missiles irakiens tombent sur la région... La construction de ce rêve à l’américaine dans le désert, en plein conflit, les rapports des ouvriers : Eyal Sivan a filmé ce chantier comme une métaphore. Israland, véritable microcosme de la société israélienne, montre la cohabitation des juifs et des Arabes. Il y a les ouvriers palestiniens, Khamis et Abou, qui parlent de la routine des contrôles, de l’humiliation, qui veulent “vivre libres, comme les lsraéliens”. Et puis tous les Israéliens, conducteurs d’engins, architecte et promoteur.
Chacun est dans son univers. A l’heure de la pause, on ne se mélange pas. Arabes d’un côté, Israéliens de l’autre. Chacun écoute sa propre radio. Le contremaître israélien explique que les Arabes travaillent salement, qu’ils n’ont aucune motivation... Le promoteur, milliardaire, originaire de Géorgie, est persuadé qu’il construit là un paradis sur terre.
Alors que chacun poursuit son rêve, ou tente simplement de faire vivre sa famille, le seul qui semble conscient des autres, c’est l’architecte. Gershom, de son ancien nom Dieter, est un Allemand converti au judaïsme. Pour lui, “tant que le pays tout entier ne sera qu’un gigantesque Luna Park à l’américaine et ne fera aucun effort pour faire partie du Moyen-Orient le pays ira à la catastrophe.” Israland est un mirage. “Après un attentat, raconte Avi je suis le premier à crier "à mort les Arabes", mais ça ne mène à rien.” Abou, le Palestinien, lui répond en écho : “Je croyais que la guerre et les missiles auraient des retombées positives pour nous, mais seule la paix arrangera les choses.”
Eyal Sivan, réalisateur Israélien résidant en France, était parti filmer la guerre, la vie quotidienne pendant le conflit de tous les Israéliens qui avaient des contacts voulus ou forcés avec les Palestiniens. Son documentaire, rythmé par les alertes de missiles irakiens, va plus loin. Il montre comme il le dit lui-même “comment juifs et Arabes vivent ensemble sans se connaître, et donc sans se reconnaître.”
Une réalité qui saute aux yeux sur ce chantier en plein désert, mosaïque de personnages antagonistes qui poursuivent ensemble, dans la haine, le rêve de la paix. Epilogue tragique, le promoteur d’Israland, rebaptisé Superland à son ouverture, s’est suicidé quelque temps après l’inauguration.