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Izkor ! Interview by Armelle Laborie (IMA Productions)

01.09.1991

En Israël, au printemps, quatre célébrations fondamentales se succèdent : Pessah, fête de la liberté. La Pâques juive qui marque la sortie d'Egypte des esclaves hébreux. Le "Jour de la commémoration de la Shoah et de l'Héroïsme", à la mémoire des Juifs victimes du génocide. Le "Jour de l'indépendance", fête nationale. Cette période a été choisie par Eyal Sivan comme cadre temporel de son film lzkor. Les esclaves de la mémoire, qui a été tourné au mois d'avril 1990. Ce très beau film montré à la télévision française dans le cadre de l'émission Océaniques de FR3, le 25 mars 1991, sort des sentiers battus des films sur Israël et sur le thème de la mémoire ; Régine Dhoquois-Cohen est allée voir Eyal Sivan pour qu'il nous en parle.

"Je suis né et j'ai grandi en Israël. Les souvenirs les plus forts que je garde de mon enfance sont ceux de l'école : les leçons incessantes sur la Shoah, le sionisme, le civisme, la Bible, l'histoire d'Israël. Et de ces souvenirs, le souvenir le plus fort, c'est le mois d'avril avec toutes ces cérémonies. Tout Israël vous dira que c'est un mois terrible, intense et triste.
          Le mois d'avril, c'est avant tout Izkor (Souviens-toi !), ce même texte que nous devions tous lire et qui nous demande à nous Israéliens, de nous souvenir, de ne pas oublier.
Aujourd'hui, devenu adulte, je m'interroge sur ce qui unit les Israéliens, sur ce qui les empêche d'avoir sur eux-mêmes un regard critique et pluriel, sur ce qui les pousse à faire bloc comme un seul homme face au monde extérieur.
C'est la mémoire me suis-je dit, voilà le béton dans lequel est coulée la société israélienne, et le mois d'avril, avec sa suite de commémorations, symbolise pour moi ce creuset où tous se fondent.
"Izkor, les esclaves de la mémoire" est une incursion dans l'enfance, dans l'école qui produit cette mémoire. C'est une mosaïque de la société israélienne qui vit à l'ombre d'un passé qui n'appartient qu'à elle. L'individu n'a aucun droit là-dessus. La mémoire règle nos comportements individuels et collectifs.
C'est la mémoire, la mémoire de nos deuils qui nous empêche de regarder les souffrances des autres, qui efface les souvenirs de ceux qui ne sont pas des nôtres, qui justifie nos actes présents au nom de la souffrance passée.
Tous les ans, les enfants chantent :
"Esclaves nous étions.
Aujourd'hui nous sommes libres".
Sommes-nous libres ou bien esclaves de la mémoire ? C'est la question que je pose dans le film. Ainsi, je suis le fil ténu qui sépare la mémoire objective de la mémoire collective. Six millions de Juifs exterminés dans la Catastrophe, les chambres à gaz, quinze mille soldats tombés pendant les guerres d'Israël. Le fil est ténu parce que la mémoire objective devient un outil, un instrument entre les mains des enseignants et des éducateurs pour nous mener vers ce à quoi ils croient véritablement : à l'union qui fait la force.
Avec Izkor, j'ai voulu faire un film tiré d'une thèse sans tomber dans les défauts du cinéma "militant" des années 70, c'est-à-dire avoir une thèse d'abord et prendre une caméra pour l'illustrer. La question de base était : pourquoi les Israéliens sont comme ils sont pour ceux qui les regardent de manière critique ou non, mais aussi sont comme ils sont par rapport à une certaine image que j'avais d'eux en 1987, c'est-à-dire des soldats qui exercent la répression dans les Territoires occupés. L'image de départ, ce sont ces soldats de mon âge, mes amis, qui frappent des enfants palestiniens. Après cette image, j'arrive à une thèse : l'éducation n'est jamais innocente. Il s'agit d'un programme qui a des bases idéologiques, par exemple, "le monde entier est contre nous" ou "nous avons souffert donc nous avons le droit de faire souffrir".
La thèse vient de l'image. Il y a un va-et-vient permanent entre la thèse et l'image. Cette image vient d'une expérience personnelle. Le premier départ de l'écriture du film s'est fait au travers de mes souvenirs d'école. Je suis revenu à ces images, je les ai retrouvées et je les ai filmées.
Pour cela, il fallait que je puisse pénétrer dans les écoles, il fallait que j'aie la confiance des gens. Et pour cela, mon vécu était important. Je suis né à Haïfa. J'ai grandi en Israël. J'ai passé mon bac en Israël. Je n'ai pas fait mon service militaire parce que j'ai été réformé et ça c'est un point important. A cause de cela, je suis un peu à l'écart de la société israélienne.
Je m'intéresse à la mémoire. Dans mon premier film, "Aqabat Jaber", je voulais essayer de répondre à une question : quel est l'attachement des Palestiniens à la terre ? Quelle est la différence avec l'attachement idéologique des Juifs à la Terre d'Israël (Eretz Israël) ? Chez les Palestiniens, j'ai trouvé un attachement réel, matériel à leur terre confisquée.
Izkor est sur la mémoire collective des Israéliens et sur la transmission de l'Histoire en sentiment "mémorable". J'ai pu tourner Izkor dans la plus grande confiance parce qu'en Israël, la majorité des Israéliens n'imaginent pas qu'un Israélien puisse dévoiler ce que tout le monde sait et dit. Il n'y a aucun dit nouveau en Izkor. Il y a juste une concentration de ces différents "dits". Personne en Israël ne peut imaginer que l'on puisse dévoiler à l'extérieur les secrets de famille. Et c'est aussi de là que vient une partie de la confiance des gens filmés.
Il y a aussi un peu de camouflage, par exemple : officiellement, le film s'intitulait "Un mois en Israël".
Mais pour établir cette confiance, j'ai dû parfois développer un discours politique occasionnel sur les Juifs orientaux.
Il faut ajouter qu'en général, il n'existe pas de gens qui ne veulent pas être filmés. Mais je me suis quand même heurté à quelques oppositions. On m'a empêché de tourner dans mon ancienne école primaire : on m'a dit que l'on savait que je voulais faire un film sur le lavage de cerveaux dans l'éducation israélienne.
Izkor va être montré en Israël pour la première fois dans le cadre du festival de Jérusalem. Je ne sais pas si les gens seront prêts à discuter du film. Je pense qu'il suscitera plutôt le silence. Mais je sais aussi qu'on va m'attaquer parce que c'est une coproduction avec l'Allemagne, parce qu'il a d'abord été montré à l'étranger et en particulier en France (le pays de Le Pen). On va probablement m'attaquer aussi pour mon engagement pro-palestinien et on parlera de l'aspect totalement subjectif du film comme si l'objectivité existait vraiment.
A propos de l'aspect subjectif, je pense qu'Izkor peut être vu autrement que comme une critique ou un film sur la mémoire. Certains palestiniens m'ont reproché d'avoir montré dans mon film "Aqabat Jaber" des gens non militants, en dehors de toute lutte armée. On attend souvent d'un documentaire qu'il réponde à toutes les questions. Le cinéma de fiction n'a pas cette responsabilité. Je suis contre cette vision du cinéma documentaire. Je crois qu'il faut cesser de prêcher les convertis et au contraire essayer d'intéresser les autres.
C'est vrai que l'on peut voir Izkor avec mauvaise foi, comme une simple description du mois d'avril en Israël. Certains journaux ont aussi parlé d'un film "révisionniste", voire antisémite. II faut savoir quand on fait un film sur cette région, qu'il y a une éventualité pour que la réception par certains contredise nos propres positions. Si j'ai cette obsession à l'avance, alors je ne fais pas de cinéma, je fais de la politique.
 
Exister autrement que par la religion ou la mémoire ?
 
L'Etat d'Israël m'intéresse peu. C'est une structure nationale et politique. Par contre, je m'intéresse beaucoup aux Israéliens et à la société israélienne. La question est alors : est-ce que je m'intéresse à un Etat d'Israël fondé sur le judaïsme ou la mémoire ? Je réponds non, catégoriquement. Par contre, je pense que la société israélienne peut exister d'une autre manière, comme l'Albanie peut exister autrement qu'encadrée par un régime communiste totalitaire. Je ne m'intéresse pas au sort de l'Albanie communiste, mais je m'intéresse à la société albanaise.
Il y a forcément un lien national crée entre des gens du seul fait qu'ils vivent sur la même terre, même si ce n'est que depuis 43 ans. Il y a quelque chose qui s'appelle les Israéliens. Qu'y a-t-il de commun entre moi Eyal Sivan né en Israël, ayant vécu en Israël depuis plus de 20 ans, ayant passé plusieurs guerres et M. Molotov venant de Leningrad. Il n'y a aucun lien. Le seul lien possible est dans cette volonté du système de créer un "Homme Nouveau" qui effacerait sa mémoire et la remplacerait par une nouvelle mémoire. Ce n'est pas une spécificité israélienne : les croisés aussi voulaient créer l'Homme Nouveau, occidental, chrétien, etc... On retrouve cette volonté chez les marxistes et les fascistes.
L'intérêt dans Izkor est de montrer qu'il y a là une société israélienne, de montrer que les Israéliens existent bel et bien. Je ne suis pas contre l'immigration libre des Juifs soviétiques. Je suis pour que tout Soviétique ait le droit de quitter son pays et de choisir librement son pays d'accueil. Par contre, je suis contre le transfert de populations qu'il s'agisse des Kurdes, des Ethiopiens, des Palestiniens ou des populations juives d'URSS. On peut appeler ça un transfert "volontaire". C'est ce que veut Zeevi : rendre la vie tellement difficile aux gens pour que leur seul choix soit de partir et ça, c'est exactement l'exemple soviétique. Je trouve cela d'une hypocrisie totale qui ne m'étonne pas de la part des sionistes mais qui m'étonne de la part des autres. En réalité, on n'ose pas dire que l'URSS fait de la discrimination et cette fois-ci en faveur des Juifs.
Vous me demandez si je suis antisioniste. Je peux répondre que oui. J'ai été élevé dans une famille sioniste de gauche. Je me suis d'abord défini comme a-sioniste. Je suis né en Israël et je ne m'identifie pas par rapport au sionisme. Plus tard, j'ai compris le piège de ce terme d'a-sioniste : ça voudrait dire que ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas vrai. Je suis anti-sioniste parce que je trouve que le sionisme est une idéologie qui croit résoudre les rapports entre les hommes. Je pense que le sionisme est en train d'enterrer l'Etat d'Israël et tout le Proche-Orient dans une vraie catastrophe.
Mais je voudrais revenir au film. J'ai voulu qu'il n'y ait aucune intervention ni d'un "étranger", ni d'une personne qui aurait eu une mémoire subjective, qui aurait par exemple perdu sa famille dans la Shoah ou qui aurait combattu pendant l'une des guerres. Ces gens-là ont le droit de tout dire, mais ils ne peuvent rien apporter en dehors de leur mémoire. Le grand exemple c'est cette caricature hystérique qui s'appelle Elie Wiesel. Par contre moi j'ai traité un sujet. J'ai suivi le cheminement banal d'un enfant de l'école maternelle à l'armée. Je n'ai pas traité de l'armée ni des autres sujets enseignés pendant l'année. Il y a un cours que j'ai sauté complètement qui s'appelle "Patrie". J'ai voulu me contenter du mois d'avril et le faire fonctionner comme une loupe. A partir de là, on peut s'interroger sur d'autres sociétés. On peut aussi se demander quel est le contenu de l'enseignement en Israël sur la culture arabo-musulmane. On apprendra alors qu'il n'y a aucun enseignement véritable sur la culture des Juifs orientaux, que l'arabe n'est pas un cours obligatoire, etc... Il y a cependant, un cours l'année du bac qui porte sur le conflit israélo-arabe. Les Israéliens apprennent obligatoirement la charte de l'OLP. Cela sert le système.
Faut-il faire une distinction entre Juif et Israélien ?
Il faut faire attention à l'amalgame entre Juif et Israélien. Aujourd'hui, un synonyme à Juif laïc, intégré, etc… c'est son approche vis-à-vis des symboles de l'Etat d'Israël.
Izkor pose un vrai problème aux Juifs : voilà un Etat qui a peu de choses à voir avec le judaïsme mais qui utilise et manipule la mémoire juive en fonction de ses intérêts socio-poIitiques. Izkor trace une ligne de démarcation entre Juifs et Israéliens. Cette séparation entre les deux peut être douloureuse, mais elle est nécessaire. Elle est importante pour que les Israéliens réussissent à se définir comme Etat et la question est : qu'est-ce que cela veut dire d'être Israélien quand on vit avec 16 % d'Arabes ou de nouveaux immigrés qui ne parlent pas l'hébreu, avec une majorité de gens qui sont nés là et qui ont adhéré à l'idéologie d'Etat ?
Qu'est-ce qu'un Juif laïc, anti-communautaire et anti-sioniste ? ou encore, un juif laïc, sioniste et citoyen français ? Le film se situe à la ligne de démarcation. Il dit : là, il ne s'agit pas de la mémoire des Juifs. Il s'agit d'une manipulation de certains juifs par un Etat qui se définit comme étant l'Etat des Juifs. Lech Walesa va en Israël et il demande pardon au peuple juif devant le Parlement israélien. C'est un scandale et c'est aux Juifs d'agir. Mettre ensemble la mémoire des Juifs et la mémoire des Israéliens crée une situation d'excès de mémoire.
Mais il faut dire aussi qu'Izkor montre aux Arabes, aux voisins d'Israël, à ses ennemis, qu'il y a une émergence réelle d'une société "israélienne" qui ne se confond nullement avec les Juifs. Il faut que ces Israéliens s'intègrent dans le Moyen-Orient. Izkor pose plus généralement le problème de l'intégration des minorités nationales dans tout le Proche-Orient. On pourrait parler des minorités au Liban, en Irak, en Egypte, etc.
Les Israéliens sont élevés sur une mythologie d'images et sur une certaine forme de schizophrénie. Ils se veulent laïcs, démocratiques mais en même temps leur référence essentielle est la Bible. Ils sont guidés par un Dieu laïc ! Ils n'ont rien d'autre. Alors, il reste l'invention d'une nouvelle religion, la mémoire. Quoi de plus facile que de transformer la Shoah en Petit livre rouge !
Mon film dit : "Nous devons nous définir par rapport à ce que nous sommes et pas par rapport à ce que les autres nous ont fait". C'est ce que dit Y. Leibovitz : "Rien n'est plus commode, psychologiquement, que de nous définir en fonction de ce que les autres nous ont fait subir. Plus besoin de nous demander qui sommes-nous, que valons-nous, que devons-nous faire, quelles sont nos valeurs ? C'est envers nous que toutes ces horreurs ont été commises et cela nous dégage de toute responsabilité."
Ce qui est révélateur dans Izkor, c'est le double langage qui est tellement lié à la mémoire, parce que cette mémoire est la négation de la mémoire des autres et l'interdiction d'une mémoire analogique. La mémoire analogique peut devenir un outil moral. En Israël, si on dit : "je ne peux pas commettre des horreurs contre un autre humain au nom de la mémoire", on vous assène les horreurs subies par tel ou tel membre de la famille ce qui interdit une réponse. Dans le film, le guide qui fait visiter le mémorial de la Shoah dit que ce sont les jeunes qui se sont révoltés dans te ghetto de Varsovie parce qu'ils n'avaient rien à perdre. Alors, je peux dire que les jeunes du camp de Djabalia se sont révoltés parce qu'ils n'avaient plus rien à perdre. Ce n'est pas une comparaison, c'est un exemple de mémoire analogique.
 
Les Juifs de la diaspora, "l'éthique juive" et le combat pour la paix
 
Je ne sais pas ce que c'est que l'éthique juive. Je crois à une éthique humaniste, laïque. Pour un religieux, ce qui est important, ce sont les relations entre lui et la divinité à travers sa foi. Pour le fasciste, ce qui compte, c'est la relation de l'homme à l'Etat. Pour moi, laïc, la chose fondamentale c'est la relation de l'homme face à l'autre.
Les Juifs n'ont pas le monopole de la mémoire. Il y a eu une sorte de confiscation par les Juifs d'une mémoire qui appartient à l'Humanité. A cause de cela, beaucoup de non-juifs se sont dit : "les Juifs s'en occupent, tant mieux." Si seuls les Juifs s'occupent de ces problèmes, ils débarrassent les autres de la mémoire. Ça devient "l'Ethique juive". Sinon, c'est quoi une éthique juive ? Non, c'est une éthique universelle. Je pense que c'est cela que voulait dire Leibovitz quand il dit dans le film : "En vérité, intellectuellement, la Shoah est un problème pour les non-juifs, et non pas pour nous, Nous l'avons subie et non pas fait subir. Ce sont les non-juifs qui ont fait cela. Dans la mesure où il y a chez eux des gens qui pensent, pour ceux-là c'est un problème, Comment est-ce arrivé ? Comment ont-ils pu commettre de tels actes ?"
Par contre, je crois que les Juifs, en dehors d'Israël, ont le devoir de dire à Israël : de quel droit parlez-vous en notre nom ? Vous prétendez sauver la communauté juive d'Albanie et vous êtes en réalité en train de l'anéantir... Là, il y a un dialogue possible, des preuves à apporter. Le problème n'est pas entre Juifs et Arabes. Il n'y a pas de conflit entre Théo Klein et Hamadi Essid. Le conflit n'existe que quand chacun joue le rôle d'ambassadeur d'une autre cause. Je les vois un peu comme les porteurs de valise. C'est comme si Théo Klein, par exemple, se faisait le défenseur de l'Etat d'Israël pour qu'il y ait un débat et réciproquement.
Par contre, vous juifs de la Diaspora, vous avez le devoir de parler à l'Etat d'Israël, de l'interpeller sur ce qui va rester de la Shoah : sera-ce la mémoire de la création de l'Etat d'Israël, la répression des Palestiniens ou la mémoire des crimes commis par des Humains différents des Humains ?
Peut-on vivre en Israël avec ces idées-là ?
On peut vivre en Israël avec ces idées-là si vous êtes juif. Personne ne va vous mettre en prison pour des idées. On peut donc y vivre mieux que Vaclav Havel par exemple n'a vécu en Tchécoslovaquie, mais un peu de la même manière. Il faut dire qu'il existe en Israël des gens qui ont été jusqu'au bout du refus, les 150 ou 200 soldats qui ont refusé de servir dans les Territoires Occupés ont fait preuve de beaucoup d'héroïsme, d'une vraie éthique qui s'appelle l'objection de conscience, c'est possible. Mais la question est : peut-on créer en Israël ? C'est plus dur, En toute modestie et sans me comparer, je peux citer Ismaël Kadaré, il crée en Albanie, comme Amos Oz, comme David Grossman, comme Yoram Kaniuk, comme A. B. Yehoshua… Mais un créateur doit faire plus. Kadaré s'est trouvé dépassé par les événements. Il a choisi l'exil pour parler plus, pour prendre ses distances.
En Israël, il y a ce barrage qui consiste à mettre celui qui n'est pas complètement dans le consensus en dehors de la société israélienne. En d'autres termes, celui qui n'est pas avec nous est contre nous, il faut laver son linge sale en famille. Maintenant, pour certains en Israël, je ne suis plus israélien. Je suis celui qui est "descendu" (Yored) par opposition à celui qui est "monté" (qui a fait son Aliah). Je crois que même si nous sommes à l'extérieur de notre pays, c'est à lui que nous devons nous adresser. Israël tient à son image "d'Etat démocratique". Il faut casser cette vitrine. Mon rêve, c'est d'être accepté en Israël comme cinéaste israélien. Là je me sens patriote et le festival de Jérusalem me paraît donc plus important que tous les autres.