english
français
contact me

press
Souviens-toi Israël by Sylvie Dellus (Ouest France)

25.03.1991

Les récentes attaques Irakiennes sur Israël ont montré, une fois de plus, la formidable cohésion de l'Etat Juif. "Izkor", le film très Intéressant de Eyal Sivan, plonge au cœur de la société Israélienne pour tenter de comprendre le ciment national : la mémoire du peuple Juif.
En Israël, au mois d'avril, nul ne parle de printemps. Au contraire, il s'agit de journées graves, qui commémorent quatre moments importants pour le pays. Pessah, la Pâque juive, souvenir de la sortie d'Egypte, signifie, en fait, la fin de l'esclavage. Suivent les jours de commémoration de la Shoa, puis des 15 000 soldats de Tsahal morts pour Israël. Enfin vient le jour de l'Indépendance. Un seul mot d'ordre parcourt ces moments très particuliers : "Izkor", "souvenez-vous" en hébreu.
Eyal Sivan, le réalisateur, est né et a grandi en Israël. Pour lui, les mois d'avril se suivent et se ressemblent depuis toujours. Pourtant, devenu adulte, il a pris quelques distances avec la société israélienne. Il a tourné ce film, "Izkor", pour tenter de mieux comprendre ses semblables. "Aujourd'hui, dit-il, je m'interroge sur ce qui unit les Israéliens, sur ce qui les empêche d'avoir sur eux-mêmes un regard critique et pluriel, sur ce qui les pousse à faire bloc comme un seul homme face au monde extérieur". Une réponse s'impose à ses yeux : la mémoire.
Pour vérifier cette hypothèse, il lui a suffi de promener sa caméra dans les écoles et d'y filmer la façon dont on demande aux enfants de se souvenir. En fait, les petits Israéliens apprennent leur passé par rapport à la création de leur Etat. Rien à voir avec notre manière d'envisager l'histoire de France. Tout est ramené au souvenir des souffrances de "notre peuple", souvenirs que l'on se transmet de père en fils. Une personne cependant pour critiquer l'unanimisme ambiant. Le professeur Leibovitz, une autorité morale dans son pays, n'hésite pas à dire : "Rien n'est plus commode psychologiquement que de nous définir en fonction de ce que les autres nous ont fait subir. Plus besoin alors de nous demander : que valons-nous ?"
On enseigne aux enfants la mémoire, mais aussi comment défendre l'Etat que les souffrances endurées ont permis de créer. La caméra de Sivan a fixé ces moments que l'on pourrait qualifier d'embrigadement. Pour commémorer les morts du pays, on fait défiler au pas cadencé des adolescents qui devront suivre, plus tard, le service militaire obligatoire, deux ans pour les filles, trois pour les garçons. Les jeunes, eux-mêmes, considèrent ces manœuvres comme indispensables. Mais le professeur Leibovitz proteste encore : "La question est, aujourd'hui, seront-ils de bons soldats, plutôt que seront-ils d'honnêtes gens ?". Pour lui, l'éducation "na-tio-na-Ie" se trompe.