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Les paysans oubliés d'Aqabat Jaber, by Robert Migliorini (Faim-Développement Magazine)

01.08.1987

J'ai tenu toutes mes promesses. Eyal Sivan, un Israélien de 23 ans, vivant en France depuis trois ans, mesure tout le chemin parcouru. Depuis ce jour de 1980 où il découvrit le camp de réfugiés palestiniens d'Aqabat Jaber. Jeune photographe de mode, Eyal Sivan, passait par là pour quelques clichés à venir. Tout en pensant que les murs de ce camp, à une trentaine de kilomètres de Jérusalem, étaient désormais vides. Pour ce fils d'architecte, venu sur le tard s'installer en Israël, c'est le choc des premières rencontres. Il découvre que 3.000  Palestiniens vivent encore dans ce camp de réfugiés qui fut dans les années 1950 un des plus importants : « A trois kilomètres de Jéricho, plusieurs générations de réfugiés sont réunis, raconte-t-il, dont beaucoup ont vécu les événements de 1948. » Eyal Sivan promit alors de revenir avec une équipe de cinéma. Avec l'obsession de raconter le quotidien de ces lieux. Il faudra six ans pour relever le défi. Tourné, en dix jours en août 1986, le film commence sa carrière en étant primé en 1987, lors du festival du réel de Paris.
Mais Eyal Sivan avait contracté une autre dette envers ceux qu'il appelle ses frères palestiniens d'Aqabat Jaber : il fallait montrer le film sur place. En juin dernier, à l'occasion du festival du film de Jérusalem, “Aqabat Jaber, la vie de passage” a été accueilli dans la salle des fêtes du camp : “C'est un film qui montre notre vie de tous les jours” ont apprécié les Palestiniens - seuls les hommes sont venus – “Nous ne sommes pas des terroristes ou des hommes politiques, nous sommes des paysans privés de leurs terres”, ne cessent-ils de répéter.
Paysans déracinés villages oubliés
“La Palestine est une terre sainte pour tout le monde.” Pathétiques images que celles de ces paysans déracinés, loin de leurs villages, souvent détruits depuis, et qui attendent dans cette ville fantôme, partiellement en ruines, que l'histoire les sorte de là. “On reste toute la journée assis, note Eyal Sivan, en attente. C'est l'image la plus symbolique de mon film qui décrit ce qu'est une vie de passage, entre la vraie vie et la survie.” Le message est également partiellement passé lors de la projection au festival de Jérusalem. « Aqabat Jaber » était invité mais pas le réalisateur. Pourtant Eyal Sivan a fait le voyage à ses frais: “Un spectateur israélien est venu me trouver après la projection raconte-t-il. Je m'attendais à une réaction plutôt violente. Au contraire mon interlocuteur m'a remercié, me faisant remarquer, non sans humour, qu'il avait découvert que les Palestiniens épluchaient leurs pommes de terre comme tout le monde. Au-delà de cette remarque curieuse, il voulait souligner qu'il a découvert que lui et les Arabes avaient la même culture”. « Aqabat Jaber » ne propose pas de solutions, il témoigne avec force pour tous les oubliés des camps, où qu'ils soient.
Robert Migliorini