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Aqabat-Jaber, Vie de passage, by Myriam Julber-Vera (Cinéma Quatre–vingt-sept)

01.04.1987

...Il faut aussi mentionner Aqabat Jaber (Vie de passage) (France), d'Eyal Sivan, qui a obtenu le Grand Prix. Nous avons eu un entretien avec son réalisateur. Aqabat signifie en arabe passage montagneux. Aqabat Jaber fut le plus grand camp de réfugiés palestiniens administré par l'UNWRA. Situé en Cisjordanie, à trois kilomètres de Jéricho. Il accueillait en 1950 soixante-cinq mille réfugiés et cinq écoles. Après l'occupation de ces territoires par Israël en 1967, il n'en restera que quelques trois mille personnes et une école. Eyal Sivan né en Israël en 1964 devint photographe et ouvrit un atelier à Tel-Aviv. C'est en allant faire des photos de mode à Aqabat Jaber, dont les ruines l'attiraient, qu’il découvrit que les lieux étaient habités. Il arrêta ses prises de vues et décida de faire un film sur ce camp. Le sujet principal en est la notion de “réfugié”.
Le film montre ce qui semble être la vie de plusieurs générations de réfugiés palestiniens. Des vieux et des moins vieux parlent : de la terre qu'ils ont abandonnée, de la terre de leurs ancêtres où ils veulent retourner - même s'il n'y a plus rien. C'est leur “là-bas”. “Ici”, à Aqabat Jaber ils sont “de passage” et en conséquence ils attendent.
Il y a aussi des bédouins du désert du Néguev, installés dans des maisons abandonnées, mais qui gardent leurs tentes pliées dans la cour. Les uns comme les autres espèrent retourner “là-bas”. Contrairement à certains qui ont reproché une certaine lenteur, Henri Cartier-Bresson a écrit sur ce film : “Ce film est au-delà de la politique. Il s'agit de paysans parqués depuis trente-huit ans dans des camps de réfugiés, de l'humiliation d'avoir été châtrés de leur terre, de leur verger, de leur village. Il ne se passe rien dans ce film, car il ne se passe absolument rien dans leur vie. Une attente sans fin dans laquelle certains espèrent encore retourner sur leur terre. Ce n'est pas un film muet, il est criant dans sa sobriété, ça serre le cœur. Ce sont des êtres humains ?? ET alors, quoi ?!”
Sivan nous explique qu'il a tourné ce film non seulement parce que ce lieu l’avait toujours attiré esthétiquement, mais surtout pour payer une dette contractée envers les Palestiniens.
Aqabat Jaber, c'est son premier film. Il songe déjà au prochain. Il faudra qu'il fasse aussi bien, sinon mieux. Nous attendrons...
... Comme nous attendons avec impatience la cuvée 88 du “Cinéma du Réel”, la dixième.
 
Myriam Julber-Vera